Si j'avais un marteau, je lui taperais dessus (j'y mettrais tout mon cœur)
On dit pas assez merci aux gens. Alors moi, je voudrais remercier le gentil voisin inconnu qui, à 8h56, s'est mis à frapper comme un sourd sur un mur. (Lequel, je sais pas, vu que c'est bétonné de partout, donc ça peut être très bien deux étages plus haut, ou dans l'entrée d'à côté… Il y a 450 appartements dans la résidence, tu vois le style.)
C'était le premier samedi sans danse classique à 9h00 depuis des mois (dès fois que tu t'interroges : c'est pas moi qui faisais des entrechats, mais ma délicate Aurore. Et elle s'est montrée d'une assiduité remarquable toute l'année, malgré mes tentatives réitérées de corruption pour lui faire sécher certaines cours…).
Je n'avais pas les filles, ce qui ne m'était pas arrivé un samedi matin depuis septembre dernier, j'avais passé une nuit blanche à bouquiner un polar de Dominique Sylvain, à manger des yaourts et à regarder des merdes à la télé, et j'entendais bien dormir jusqu'à plus soif ce matin.
Mais l'espèce de connard le gentil voisin inconnu, lui, sait bien que les grasses mat', c'est pas bon pour la santé. Alors, il a décidé que tout son voisinage devait bénéficier de ses sains principes de vie. Les coups ont duré deux heures et demie, histoire qu'on n'essaie pas de s'accrocher à sa couette comme un naufragé à son radeau de fortune (ça rend poète le manque de sommeil).
Moi aussi, voisin de mon cœur, je te veux que du bien… Or, je te sens enclin à reprendre tes efforts bricolatoires dès demain matin. Je les connais, les voisins dans ton genre. Pourtant, c'est mauvais pour toi, tu sais. A force de taper comme un sourd avec ton marteau, tu vas finir par le devenir vraiment, sourd. Sans compter les risques de claquage musculaire ou de blessure grave. Les urgences sont remplies de bricoleurs du dimanche… Bref, tout ça ne peut t'apporter que d'atroces souffrances. Le mieux, tu vois, serait que tu meures dans ton sommeil cette nuit. Déjà, tu épargnerais le sommeil de dizaines de personnes. Par ailleurs, je suis sûre que ta femme serait soulagée : ça fait dix ans qu'elle rêve de te quitter, mais elle hésite, vu que tu l'as fait grave flipper avec ton marteau et ta scie sauteuse. Enfin, ton départ anticipé pour le paradis des bricoleurs limiterait les déficits de la Sécu et des retraites. Bref, ce serait tout bénéf' pour tout le monde. Gagnant-gagnant, comme on dit.
Allez, bonne nuit mon gars. Faut que je te laisse : je dois aller égorger un poulet et lacérer une poupée. C'est juste un petit rite vaudou de rien du tout. T'inquiète, tu devrais rien sentir…