LA LUTTE DES CLASSES
Jeudi et vendredi, c'était le brevet des collèges.
- Alors ma chérie, cette épreuve d'histoire-géo ?
- Les doigts dans le nez !
- Oui, mais encore ?
- Ben, la question qui faisait le plus de points, c'était sur la Guerre froide à Berlin. Et là, j'ai rappelé les principaux trucs… la création de la RFA et de la RDA, le mur de Berlin.
- Super. Et en géo ?
- Ça va aussi… Je peux juste te demander un truc ? Le Jura, c'est bien à la frontière de l'Espagne ?
- Ben, c'est légèrement plus près de la Suisse…
- Et le fleuve, juste sous la Seine, c'est bien la Garonne ?
…
Ne nous arrachons pas les cheveux. Déjà, j'en ai pas des masses. La bonne – et étonnante – nouvelle, c'est que j'avais demandé des dérogations pour l'affectation des filles, l'une au lycée, l'autre au collège. Et que je les ai obtenues. Ben ouais, t'as beau être (encore) de gauche, partisane de la mixité sociale et culturelle, c'est pas pour autant que tu as envie que tes enfants fréquentent des établissements de plus en plus ghettoïsés. En plus, les réformes de l'actuel gouvernement n'ont fait qu'empirer les choses (notamment la suppression des classes bilangues allemand-anglais dans de nombreux collèges, dont celui où est allée Nausicaa et qu'Aurore aurait dû fréquenter à son tour). Le fond du problème, c'est que les pouvoirs publics semblent sourds et aveugles face aux stratégies de contournement des parents (inscription dans le privé, déménagement en fonction de la carte scolaire, locations à plusieurs de chambres de bonne pour disposer de la bonne adresse…). Et chaque nouvelle réforme censée améliorer les choses ne fait que renforcer ces stratégies... Un cercle vicieux, ça s'appelle.
Me demande pas pourquoi mes requêtes ont fonctionné, je n'en sais rien. Je n'avais pas de piston et pas l'intention de me lancer dans des combines immobilières. Je m'en réjouis pour mes filles, je le reconnais, mais je regrette que le système scolaire joue de moins en moins son rôle d'ascenseur social. Quand j'étais en CM2, la directrice de l'école primaire et la principale de mon futur collège étaient venues parler à mon père – tout intimidé par ces représentantes de l'enseignement – pour m'obliger à faire allemand première langue (ce que je refusais par principe en disant que les Allemands étaient des nazis ! Toute en modération, déjà à 11 ans). Et j'ai eu tout lieu de m'en réjouir, vu comme j'ai kiffé d'emblée cette langue.
Pour l'affectation de ma benjamine, je ne sais pas ce qui a joué. Je voulais qu'elle fasse de l'allemand en sixième (natürlich). J'ai envoyé des mails, laissé des messages téléphoniques à l'Académie pour savoir quels établissements proposaient toujours de l'allemand en sixième, et n'ai jamais obtenu de réponse ! Le mystère reste entier, d'autant que le collège où elle va aller ne propose pas l'option bilangue. Pour l'aînée, je pense que son excellent dossier a joué (malgré ses lacunes en géographie hexagonale…) : elle a fait la meilleure année de toute sa scolarité. Ma grande sait se donner les moyens pour atteindre ses objectifs. Elle est opiniâtre, très volontaire. Ce sont de belles qualités. Ça en fait une casse-couilles de première, mais bon, ce n'est pas le sujet du jour. Elle voulait être dans le même lycée que sa meilleure amie, et y suivre la filière audiovisuelle. Et il se disait, sans jamais que ce soit officiel, que la moyenne comptait plus que la carte scolaire. Du coup, déjà bonne élève, elle a explosé son score au collège.
Va falloir lui trouver de nouveaux challenges dans les années qui viennent…