LA VIE, MODE D'EMPLOI
J'avais dit que j'allais de nouveau alimenter ce blog, et finalement que dalle ! Je crois que c'est parce que mes filles ont grandi. Ce sont elles qui constituaient la matière première de mes écrits. Au départ, il s'agissait de garder une trace de leurs premières années. Puis, c'est devenu un exercice d'écriture, une façon de moins ressentir la frustration de ne pas écrire professionnellement. Mais j'ai moins de trucs rigolos à raconter à leur sujet. Elles grandissent, prennent de l'autonomie, elles n'aimeraient pas que je raconte leur vie à ma sauce.
Quant à ma vie à moi, ben, elle est pas toujours super funky, surtout ces derniers temps. Et c'est pas simple de la triturer pour en sortir de l'anecdotique plaisant. D'autant que j'ai perdu ce truc que j'avais, ce style un peu marrant qui donnait un peu de relief au quotidien. Ça reviendra peut-être, mais je doute quand même que ce soit comme le vélo…
Pour dire les choses clairement, il s'est passé un truc dur pour mes filles et moi. En quelques mois, elles ont perdu leurs deux derniers grands-parents : la mère de leur père, avec qui je m'entendais toujours très bien, et mon père. Les deux ont mis fin à leurs jours, à 83 et 80 ans. Mon ex-belle-mère était atteinte d'un Parkinson très avancé. Elle a décidé de partir en Suisse pour "subir" (je ne sais pas quel verbe utiliser) un suicide assisté. Je pense qu'elle avait encore au moins deux années de vie devant elle. Son compagnon était décédé de cette maladie quelques années auparavant. Et elle ne souhaitait pas connaître la même fin de vie.
Elle a pris cette décision à l'insu de sa famille, avec la complicité d'amis très proches. Mon père, lui, était dépressif. Je n'imaginais pas à quel point… Il s'était ouvert à des proches sur sa volonté d'en finir. Qui l'envoyaient bouler gentiment, pensant que ce n'était que des mots en l'air. Il ressassait sans cesse les mêmes problèmes. Je n'ose écrire pseudo-problèmes, mais le fait est qu'il était obsédé par des choses qui n'existaient que dans sa tête (je ne vais pas entrer dans les détails… trop compliqué). Je m'en veux évidemment de ne pas avoir compris à quel point il était désespéré… A moi, il n'avait pas osé dire qu'il songeait à mourir.
Mes filles étaient plus proches de leur grand-mère, mais la succession de ces deux tragédies a été très violente. Toutes les morts sont tragiques, mais il y a dans le suicide de proches quelque chose d'extrêmement perturbant. On s'en veut de ne rien avoir pu faire, mais on en veut aussi, d'une certaine façon, à celui ou celle qui a décidé de partir. Par moment, on ne peut s'empêcher de discerner une forme d'égoïsme, d'autant que, quelles que furent les qualités de Suzy et de mon père, ils étaient effectivement tous les deux très autocentrés.
Et puis la vie a repris son cours… Il le faut. J'ai deux filles qui comptent sur moi, c'est pas le moment de lâcher prise.
J'avais décidé, peu de temps avant la mort de mon père, de prendre un congé sans solde. J'aurais aimé m'arrêter six mois. Je n'en avais évidemment pas les moyens. J'ai donc pris des vacances non rémunérées de deux mois. Là, je termine le premier. Ça s'est fait sur un coup de tête. Je n'avais pas de projet précis. Juste faire une pause. Au boulot, c'est dur, comme pour beaucoup de gens. Le rythme est toujours plus intense. Les perspectives inexistantes. Mes collègues m'ont interrogée : "Tu vas faire un grand voyage ?" Ben non, j'ai mes filles, elles avaient cours tout le mois de juin, j'allais pas me barrer et les laisser seules à la maison !
Plus prosaïquement, je profite de ce temps libre pour faire des trucs que j'ai pas le temps de faire d'habitude, genre ranger le bordel de l'appart' en profondeur ou planifier des consultations médicales pour toute la famille. Y'a aussi toute la paperasse à mettre à jour. Et là, avec le décès de papa, je suis servie.
Mais je m'efforce aussi de faire des trucs plus sympas ! J'aurais aimé me replonger dans le bain de l'écriture… Mais rien à faire, les mots tournent en rond dans ma tête et rien ne sort. Alors, je bouquine (Mab, si tu passes par là, je te recommande chaudement "Miniaturiste" de Jessie Burton). Et je m'offre de courtes escapades, notamment en Normandie, parce que c'est près et qu'il y a la mer.
Et, surtout, je prends des photos. J'ai ouvert un compte Instagram, uniquement mue par mon esprit de compétition (pour participer à un concours, auquel je n'ai rien gagné d'ailleurs), puis finalement, j'ai pris le pli de poster une ou plusieurs photos par jour, prises avec mon iPhone. J'y prends énormément de plaisir : je regarde les choses d'un autre œil, je suis plus attentive à ce qui se passe autour de moi. Parfois, je me fixe un sujet. Je vais à Paris exprès. Ça ne donne pas grand-chose, puis, paf, au hasard du trajet de retour en métro, je tombe par hasard sur une jolie scène, et ça me fait la photo du jour.
Quand je regarde ma "moisson" le soir, il y a le plaisir de la découverte. Une image que j'espérais réussie s'avère sans intérêt. Mais une autre, qui paraissait anodine au moment de la prise de vue, se révèle plus chouette que prévu.
Je passe aussi beaucoup de temps à faire de la retouche photo. Rectifier le cadre, trouver le bon contraste, choisir de mettre en valeur un élément… je kiffe de ouf !
Je me connais, cet intérêt soudain ne durera pas plus d'une saison… Je n'ai pas une âme ou une quelconque ambition de photographe. J'ai eu le même emballement il y a six mois pour le tricot. J'ai fait des écharpes, des bonnets, puis j'ai commencé un pull. Et là, ça m'a saoulée. Ça n'avançait pas assez vite. Je me suis dit aussi que les pulls du commerce étaient mieux ajustés (je n'aime que les pulls près du corps et à col en V) et moins chers. Depuis, mon magnifique début de pull-over prend la poussière sur ma table de nuit.
Après la photo, restera à trouver un nouveau hobby un peu créatif, qui mobilisera mon attention et me permettra de transcender les contraintes et les tristesses du quodien.